Un livre est une nuit d'amour
Un livre est une nuit d'amour et son auteur est mon amant. J'en ai eu, des amants, des centaines, peut-être même des milliers depuis que je sais lire. Des amants de tout âge, d'ici ou d'ailleurs, des hommes et des femmes...
Une sexualité littéraire extraordinairement plus aventureuse que la vie réelle de mes fesses !
Un livre est une nuit d'amour qui peut aller de l'extase au ratage total. Plus jeune, même si l'affaire était mal engagée, je persistais dans l'effort et la vivais jusqu'au bout, puis répudiais l'auteur sans autre forme de procès.
Maintenant, je me barre en pleine nuit quand l'ennui est trop flagrant. J'ai même récemment largué en plein vol un vieil amant qui m'avait pourtant donné des bonheurs immenses. John Irving, tu m'as fait grimper aux rideaux comme peu l'on réussit. Aujourd'hui, tu me laisses froide. Est-ce moi qui suis en perte de libido, ou toi qui bandes mou ?
De vieux amants peuvent tomber en disgrâce et revenir en majesté pour une nuit magique. Il est paraît-il des terres brûlées... tu connais l'histoire, Stephen King ! Une lente descente à la routine, et soudain ! Un feu d'artifice, un orgasme inoubliable !
Et puis, cougar malgré soi, on essaye les petits jeunes. Les nouveaux, les qui viennent de sortir de l'imprimerie. Et c'est parfois un embrasement inattendu et merveilleux. Hélas, le bonheur fou ne se répète pas à chaque rencontre, n'est-ce pas RJ Ellory ! Alors, un coup d'un soir ? Non, même si les nuits suivantes sont moins torrides, reste toujours en moi le souvenir de ce moment intense.
Un livre est une nuit d'amour ou de simple baise. Entre deux exaltations, on consomme du fuck friend. Un polar bien troussé par un faiseur habile, un roman qui, on le sait donnera satisfaction sans transcendance des sens, mais ça entretient la flamme en attendant le prochain coup de foudre.
Et les amants, on se les refile entre copines, entre amis. On se dit "Celui-là, c'est un bon coup ! Il te baise le corps et l'âme avec une sensibilité rare. Tu vas aimer cette nuit d'amour comme je l'ai aimée, je l'espère du moins." On passe l'adresse de l'auteur comme on fait un cadeau, presque sous le manteau, en espérant qu'il va plaire, puisque partager ses goûts, c'est s'ouvrir et se révéler à l'autre, devenir vulnérable, fendre l'armure, prêter le flanc, s'offrir à la critique, au déplaisir et au mépris. Ou tout le contraire. C'est aussi penser que mieux vaut être plusieurs sur un bon coup que seule sur un mauvais.
Ce billet était pour toi, Odile. Je prends mon pied avec Joël Dicker (un nom prédestiné, ou presque...)
MERCI !
Jacques Brel La Chanson des vieux amants