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4 janvier 2015

Papa à Noël

C'était bien Noël. 

Mes 3 nains + une (Dame Clairon, lumineuse et volubile) étaient là.

C'était bien Noël, c'était drôle.

Ils sont tous les trois absolument fendards, mes nains, chacun dans leur genre.

Premier, dans l'understatement halluciné et le sérieux déconnant.

Lancelot, dans l'outrance chic et le vagabondisme arty.

Lilipou, dans le commando agressif décalé et le grand foutage de gueule.

Etrangement, les trois styles se mêlent harmonieusement dans une rigolade générale et une ambiance décontractée du gland.

Mac, le roi de la boutade atoutrac, et moi, reine du jeu de mot pourri, ajoutons au délire général.

Attention, on fait gaffe, on fait des pauses. Trop d'humour tue l'amour.

Le 25 décembre à 10h49, mon père est arrivé pour déjeuner. Seul, sa fiancée étant retenue en sa famille.

C'est son record absolu. 

Après une soirée arrosée et fumée, nous nous étions levés mollement sur les 10 heures du mat', vaguement pâteux.

Vaisselle, toilette... Pépé va arriver trop tôt comme d'hab, on a dit 13 heures, comment qu'il va se pointer dès midi tapante !

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10h49.

Adieu l'omelette norvégienne prévue, on mangera le reste de cake au chocolat glacé d'hier. Heureusement, c'était cuisses de canard confites et pommes sarladaises et pas soufflé ou un truc qui demande une cuisson précise.

Papa arrive, 10h49 donc, avec un sac énormes de "patates à Jop" - le producteur voisin dont les tubercules déchirent jusqu'à Versailles où le fils de Jop tient un restau chicos, un tableau gigantesque qui a constitué partie de mon décor d'enfant, une caisse de champagne, des chèques d'étrennes pour tous et un sonotone atrocement mal réglé.

Je pense à Odile, fille de sourds... moi j'ai pas l'habitude. Je lui parle-crie, j'articule comme on articule pour un débile. Mon père n'est pas débile, il est sérieusement sourdingue, et son sonotone est mal réglé, et je le sens s'éloigner quand tout le monde parle ensemble, quand ça rigole, quand Guillaume assène un understatement d'outre-manche, que Robin répond par une outrance surréaliste, Alice par une pirouette inattendue. Alors mon père regarde un peu en l'air ou dans le vague, et sourit pour faire cataplasme de participation, mais je sens bien qu'il n'a rien capté.

J'ai décidé de ne plus rien enrober dans de la plume d'oie avec mon père. De lui parler vrai, et le plus tendre possible, mais vrai. Tant j'ai l'impression que le temps est compté. Il a 85 ans et il est l'homme de ma vie, bien sûr, mais il me fait sentir que ça va finir très bientôt.

Il le dit tout cru : je vais mourir, et même pas peur. C'est dans l'ordre des choses. J'ai pris des dispositions. Je ne veux pas qu'on m'enterre, ni qu'on me carbonise, j'ai donné mon corps à la science, il m'emmèneront à Brest et les carabins pourront faire joujou avec mon corps. Si ça peut servir, plutôt que de nourrir des asticots !

Les deux dernières fois où j'ai vu Papa, j'ai été malade. Je ne suis jamais malade (ce qui rend Lili vénère, elle qui se choppe toutes les petites misères qui traînent). Cet été, je me suis couchée après son départ de notre maison bretonne. Je n'avais plus de force. L'autre jour, avant son arrivée et après une nuit peuplée de rêves effrayants, j'ai eu un mal fou à réprimer des nausées récurrentes. Et la nausée quand on ouvre des douzaines d'huîtres, c'est plus que moyen.

Je sommatise sans doute. J'ai peur qu'il meure, c'est ça. Je ne veux pas qu'il meure parce que c'est mon papa et que je l'aime et qu'il m'annonce à chaque fois qu'il va mourir, et je ne sais que répondre. Il est mon dernier rempart contre ma propre mort, c'est peut-être ça. Ou simplement que je l'aime et que je refuse qu'il meure.

Alors j'ai décidé de laisser tomber les pudeurs à la con et de lui dire que je l'aime, de lui demander de me raconter son histoire, son amour avec ma mère, ses envies, les choses dont il rêvait plus jeune et qu'il n'a jamais réalisées... j'ai envie de faire la connaissance de mon paternel. 

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