Un bon jour pour mourir

Ce matin, j'avais tout débranché. Pas de radio, de télé, j'ai fait mes comptes - ce qui demande un recueillement absolu - et comme c'est la saison du froid, j'ai fini quelques bonnets enfant à livrer demain. Il me fallait tricoter quelques mailles de plus, alors j'ai allumé l'ordi et j'ai regardé des épisodes de 24H Chrono. Les premiers épisodes que je n'avais jamais vus.

Il était question d'une bombe qui devait tomber sur Los Angeles, Jack Bauer se défonçait la rate pour empêcher le massacre, le Président des Zétaz, Palmer - un black - faisait face avec courage à des manigances internes tendant à le déstabiliser, des extrémistes islamistes fourbissaient leurs armes...

En début d'aprèm, mon espousé m'appelle pour me dire des choses privées et puis : "Tu as vu, Cabu, Charb, Wolinski et d'autres descendus ?"

J'y ai pas cru, tout de suite. Pas possible, attends !

Alors j'ai tout rebranché. Et putain, je me suis tout pris dans la gueule.

Comme en 2001, en septembre, quand je regardais à la télévision, exsangue... des avions s'écraser sur des gratte-ciels New-Yorkais, des corps défenestrés, des passants hallucinés... j'avais l'impression d'assister à la fin d'un monde.

Aujourd'hui, pareil. C'est con, hein, mais je n'arrête pas de larmoyer depuis que je sais. Je reste sous le choc. C'est énorme, c'est notre 11 septembre à nous, les frenchies. Ils nous ont tué les iconoclastes gentils, les libertaires foutraques, les impertinents impénitents.

Ils ont flingué à grands coups de kalash la fine fleur du journalisme libre, sans joug, qui s'octroie le droit de se foutre des religions, des oppressions, des bas du front (national ou pas).

Ca me fait pleurer. Je pleure et j'enrage. C'est là le danger. Ne pas amalgamer les connards ultras avec le musulman lambda. Après tout, tous les cathos ne sont pas pro-inquisition.

Ca me fait pleurer depuis quelques heures. Je pleure alors que je ne connaissais pas ces mecs là particulièrement. Mais c'est un coup de kalash dans le ventre de notre démocratie. Et il faut réagir, il faut réagir.

Je ne sais pas quoi faire. J'irai bien sûr samedi avec les autres marcher dans Paris, et si les musultras attaquent, et bien ce sera un bon jour pour mourir.