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19 mars 2015

Automne 1977

500px-Almanach_1977

Je suis jolie depuis 4 ans.
J'ai mis du temps à m'y faire, j'ai été moche pendant 17 ans. J'étais trop grande, trop grosse, trop mal sapée, trop pas dans la moindre séduction, trop intello, et souvent trop dans la soufflante qui colle l'adversaire au mur du fond, ce qui est impardonnable de la part d'une trop grande, trop grosse, etc.

Mais j'ai perdu 10kgs, et depuis 4 ans, je suis poursuivie par une meute de mâles en rut qui soudain apprécient jusqu'à mes défauts les plus criants, parce qu'il veulent me baiser.

C'est direct, mais louons mes soeurs et mes frères les joies du direct. C'est tellement télévisuel, tellement fun et tellement vrai.

municipales-paris-1977-liste-union-pour-paris-paris-cest-aussi-le-commerce-de-notre-quartier

Attention, si je suis devenue soudainement le parfum à la mode, je reste sans attrait pour les amateurs de poitrines opulentes, de fessiers rebondis et de make-up aguicheur.

Je suis très grande et très maigrelette, guère de seins, pas de cul. Mais ma jeunesse fait que ça plaît, et mes jambes sont interminables, c'est fashion.

Annie-Hall

Depuis 2 ans, je ne suis plus vierge. Mais je ne sais qui choisir parmi les 4 garçons qui partagent ma couette. Je mens, je sais qu'aucun ne m'intéresse assez pour prétendre à une quelconque exclusivité. Je passe de l'un à l'autre. Le beau, l'intello, le pote et le truand, mais aucun ne me comble et même à 4... c'est insuffisant.

En automne 77, je suis l'assistante d'une anglaise responsable du département audio-visuel chez Yves Saint-Laurent Parfums, mon premier job.

opium_1977-via-marieclaire-it

Septembre, recrutement de techniciens. Arrive ce type. Brun déjà sévèrement dégarni malgré son jeune âge, des yeux vert-foncé profonds, des épaules (j'aime les épaules), un sweat shirt rouge, comme celui que je porte ce jour là, mais pas tout à fait le même. Le col en V laisse apparaître l'ébauche d'un torse velu. Mes 4 mousquetaires n'ont pas de poils sur la poitrine. Je suis aventureuse, j'aimerais bien essayer un garçon avec un torse velu, et puis il me plaît. Beaucoup.

Je lance : "Il est naze ton sweat. Le mien est beaucoup mieux !"

Il se passe quelque chose, là. Une sorte de montée en puissance de désir exponentiel. Je sais déjà qu'il me le faut, ce mec, que je désire cet homme comme jamais je n'ai désiré personne. Mes 4 beatles sont oubliés intantanément. Je ne veux plus personne. Que lui.

images

Alors bien sûr, je ne sais pas flirter, draguer, je suis une ancienne moche, je rappelle. Je ne suis que moi, pataude avec ce désir qu'il est impossible d'exprimer dans les règles subtiles de l'art de séduire.

Ca va durer 4 mois. A se tourner autour, à ne pas dire, à se dévorer des yeux, à passer des nuits torrides... seul(e).

Et puis un soir, alors que ma copine anglaise, Joséphine, est en visite et dort avec moi dans le lit double de mon petit studio.

Un soir où j'ai perdu espoir d'avoir des nouvelles de ce type qui m'occupe l'occiput depuis trop longtemps et que j'ai envie d'éjecter sans y parvenir.

Un soir après un mois de silence radio, il est en tournage loin (et le téléphone portable, internet et tutti informati n'existent pas encore, nous sommes à l'aube de la préhistoire virtuelle).

19-Jack-Nicholson-and-Anjelica-Huston-1977

Ce soir là, il m'appelle, et nous sortons, Joséphine, lui et moi dans un bar proche des Champs Elysées. Une sublime chanteuse black au piano enchaîne des standards jazz, nous buvons beaucoup trop de Blue Lagoons. Joséphine, particulièrement, que l'on doit traîner dans le taxi qui nous ramène tous trois vers mon petit studio.

Je la couche dans le lit, elle ronfle terriblement. Je me couche à ses côtés.

Il se couche par terre, vaguement enveloppé dans une couverture.

Pas moyen de dormir, évidemment. Je suis là, les yeux grands ouverts dans le noir. J'écoute son souffle (couvert partiellement par les ronflements de Joséphine).

Ma main droite qui repose sur la couette est soudain saisie par la sienne.

Il me fait chuter du lit et je me retrouve dans ses bras.

Enfin.

campagne-1977

 

 

 

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