Je te fiche mon billet (d'humeur noire)

J'ai pas l'air comme ça, mais je suis une fille plutôt cool.

J'aime bien plaisanter avec les potes, j'aime regarder les gens au marché ou au troquet et leur imaginer des vies, des destinées, avec une véritable tendresse. J'aime cuisiner des trucs pour faire plaisir, même si ce n'est pas très raffiné, j'y mets tout mon coeur. J'aime chanter avec Cathiminie et plein d'autres, j'aime pleurer au cinoche-voire ailleurs, je suis malétanche devant la cruauté du monde, j'ai tendance à prendre dans mes maigres bras quand l'émotion est trop forte et que je n'ai plus de mots. La rencontre inattendue d'une personne qui me séduit me fait sourire comme une niaise... enfin, vois-tu, je ne suis pas complètement du côté obscur de la force (et encore, je masque mes faiblesses les plus béantes).

Mais y'a des fois... punaise ! Y'a des fois où je lis, où j'entends des trucs, rabâchés, re-rabâchés, qu'on bastonne tant que ça passe pour des évidences, et qui me font écumer. J'ai très envie de gueuler des trucs pas aimables dans un porte-voix géant.

Des exemples ?

Paris c'est l'enfer. La pollution. Y'a des crottes de chien. Les parisiens sont désagréables. C'est cher.

Oui, mon ami. Paris, c'est pollué, c'est cher et les habitants ont autre chose à foutre que d'être aimables avec les ploucs. Maintenant, toi qui prêches pour ton clocher si charmant, pense que le clocher du parisien c'est Notre Dame de Paris, c'est un peu plus la classe, non ? Tu connais des étrangers qui ont des étoiles dans les yeux quand on leur parle de Montargis, de Locminé ou d'Agen ? Ben non, hein...

Quand tu es seul(e) devant ton potage au tapioca à Ploucville-Mornetrou, où toute vie cesse à 18h30 (17h30 en hiver), les rues de Paris sont vivantes, si l'envie te saisit, tu peux même faire des rencontres au lieu de t'astiquer la nouille devant ton ordi.

Y'a pas la mer ni la montagne à Paris, mais à la mer comme à la montagne, le problème, c'est qu'il n'y a pas Paris non plus. Pas plus qu'il n'y a une offre culturelle incroyable, une histoire bouillonnante, une architecture somptueuse et un peuple mélangé, curieux et plutôt plus cultivé que la moyenne nationale.

Bah oui, justement, tous des bobos-gauchos !

Bobo. Le mal absolu pour le bobeauf de base. Bourgeois-bohème. La race à abattre. Pour le niais qui écoute RMC et RTL, c'est la bête à éradiquer - peut-être qu'il complexe. Alors qu'est-ce qu'un bobo ? C'est un type, voire une fille qui est CSP +, avec du blé, cultivé, mais qui, horreur... ne suis pas le chemin normal. NON, il ne veut pas habiter dans le 16ème, ni même le 8ème. Madame ne porte pas le serre-tête en velours ni le Vuitton, Monsieur ne like pas le Berlutti. Le bobo préfère investir les quartiers populaires. Il Vélib. Il trie ses déchets... pfff. Il s'investit dans la vie locale... pfff. Il lit des livres, voit plein de films et vote à gauche !!!! Quelle horreur !

Putain, si j'avais les moyens, je serais bobo !

Tous les fonctionnaires, c'est des feignasses  !

Ben oui, gros, comme mon père, cet horrible lémurien, qui a travaillé à la Poste la nuit pendant des années pour me garder le jour pendant que ma mère travaillait la journée.

Comme cette amie institutrice dans le 18ème qui sortait épuisée de sa classe surchargée, et qui passait, comme un sas, par les toilettes de l'école et se remettait délicatement une couche de rouge à lèvres "magique" - disait-elle, pour décompresser avant le reste de sa vie.

Ben oui, bien sûr, la pensée unique !

Bonjour M'sieur-Dames, pourriez-vous définir précisément la "pensée unique"?

Ah non, vous ne pouvez pas vraiment ! Vous répétez seulement des mots qui circulent... c'est quoi la pensée unique, hein ? C'est quoi ??? C'est un concept qu'on vous distribue et que vous mâchez en troupeau, en bêlant avec une véhémence de lombrics anémiés sans comprendre que vous ruminez du vent.

Voilà, je suis calmée. Boudiou, ça fait du bien de gueuler un bon coup. Parce que tous ces gens regrettent l'instauration du "politiquement correct" - qu'ils sont évidemment bien en peine de définir !

J'espère avoir été assez incorrecte, je peux pire encore.

Je vais aller acheter un bouquet de fleurs, tiens, pour fêter l'arrivée du printemps... bientôt avril, l'un des plus beaux mois à Paris, paraît-il. C'est marrant, je n'ai jamais entendu parler d'odes à d'autres villes de France... pourtant "Novembre à Charleville-Mézières" ou "Février à Lamotte-Beuvron", ça pourrait avoir de la gueule !

Ella Fitzgerald, live - April In Paris