Complètement à l'ouest 2 - Rosbif purée
Cela fait déjà 22 heures que nous sommes éveillées, et notre état de fraîcheur laisse à Désiré, voire à Marcel.
On nous distribue des fiches à remplir pour l'immigration. Il s'agit de déclarer sur l'honneur que non, nous de souffrons pas de la peste bubonique, que nenni, nous ne transportons pas plus de 10 000 dollars dans notre vanity case, que loin de nous l'idée de faire péter le Golden Gate Bridge et que -plus exotique et personnel- nous n'introduisons pas sur le territoire US... des escargots.
Pouffant de rire malgré la fatigue, nous nous positionnons dans la longue file qui mène aux guichets de l'immigration, imaginant un pervers pépère franchouillard tentant d'importer en fraude des petits gris cachés dans la doublure de son imper.
L'attente est longue. J'observe la population alentour. On pourrait penser qu'on s'est gouré de patelin. Ils y a bien 50 % d'asiatiques, voire plus. Pas mal de blacks et d'hispaniques tendance aztèque. Le blanc est rare, et celui qui nous attend dans sa guérite n'a pas l'air très amène. La tronche du type assis sur un casque à pointe. Le cheveu noir et crew cutté, la mâchoire volontaire et serrée, le regard d'une poule aux yeux durs. Ce sera lui ou son collègue d'en face, un chinois qui tente d'adopter la même attitude que son collègue sans y parvenir vraiment.
Lili s'inquiète : "Pourvu qu'on se tape pas le nazi !"
Bingo, c'est vers l'asiatique que le hasard nous conduit.
Soucieuses de faire bonne impression, nous arborons un sourire niais qui s'étire d'une esgourde à l'autre. Le monsieur lui, ne sourit pas. Il prend nos passeports et s'adresse à moi.
"Ooooiiiiiiin ooooiiiin oooooiiiiin ???"
Putain de bordelakeu (excuse my french), je n'entrave que dalle. Il ont aboli les consonnes, en Californie ? Le T est persona non gratta ? On dirait qu'un flot de purée épaisse s'échappe des lèvres de ce brave homme. Je saisis quelques mots ici et là et tente de recomposer sa phrase.
" I'm sorry, but my english is not brilliant, we're not on a business trip, we... etc".
Je lui explique qu'on est là pour visiter son beau pays, qu'on ne reste qu'une semaine, qu'on n'a pas amené Boulinot, notre escargot de compagnie, et qu'on pète de joie à l'idée de se la jouer californiennes pour quelques jours.
Lili se tait, et continue de sourire mécaniquement, l'oeil écarquillé.
Le monsieur, imperturbable, vérifie nos empreintes, prend notre photo et appose un cachet sur notre passeport.
"Welcome do the Unided Sdades of America ! Your english is egcellend, Madam' !".
Thank you beaucoup, mais je me rends compte à cet instant qu'il va falloir que je cesse de me la péter grave. Je ne suis pas bilingue. Je parle Rosbif, mais pas Purée.