Le voyage à Poil

Blablacar, souvent c'est bien. Des fois c'est raté comme un parfum qui pue. C'est raté, quoi.

Tiens, pas plus tard que mardi matin aux horreurs, sous une pluie diluvienne et un ciel noir menaçant, l'homme m'a drivé vers la gare de Vannes pour un covoiturage qui devait me permettre de regagner la capitale juste à temps pour honorer ce qu'il me reste de boulot à 15h à Montreuil.

Quand on dit qu'en Bretagne il ne pleut que sur les cons, on peut commencer à se poser de graves questions sur le QI du westernien moyen.

Le déluge.

Voilà le blablacareur ! Un type de genre lutteur de foire, tout en muscles et en pilosité non maîtrisée, il regarde mon maigre sac avec animosité, et le balance dans le coffre déjà rempli jusqu'à la gueule.

Je me case à grand peine dans le siège arrière droit, les genoux pratiquement sous les oreilles, et salue mon compagnon d'infortune, un jeune très breton, coincé dans une position acrobatique, un sac à dos énorme sur les genoux.

Devant, Monsieur Poilu et sa femme, ou plutôt sa maîtresse, d'après le peu d'histoire que j'ai captée au fil du voyage. Beaucoup plus jeune la dame, mais terriblement revêche, elle nous demande immédiatement les codes qui permettent le paiement de notre "passage". Ca rigole pas.

J'entame un dialogue avec le breton. Il est moitié breton-moitié espagnol me dit-il, il est mignon. Un peu bab, il a moins de trente ans, il fait des saisons, des saisons de toutes sortes, là, il vient de faire une saison d'ostréiculture. C'était dur mais il a bien aimé. Partir le matin à l'aube en bateau sur le golfe, personne à l'horizon, fait froid mais c'est beau, l'impression d'être seul au milieu de cette nature si incroyable, si belle. T'as froid, t'as les mains qui plissent, qui crevassent, tu ramasses les huîtres dans les parcs, après, faudra que tu les tries, que tu les mettes en bourriches... ses mains sont ruinées. Mais son sourire est, ah je ne sais comment dire, son sourire est tendre et radieux.

Là il a bien bossé pendant quelques mois. Il a pris ce Blablacar de la mort pour regagner le petit studio où sa soeur vit à Paris, juste avant de s'envoler pour deux mois en Asie. Qatar Airlines. 500 euros pour atteindre Hanoï en quelques 24 heures avec escale à Doa et je ne sais plus où en Chine. Ensuite, il fera une saison dans une usine près de Genève, mais sera payé en euros. "Je me suis mal débrouillé sur ce coup-là" me dit-il avec l'air vaguement contrit du brave gars conscient de se faire régulièrement empapaouter.

Mister Poil met la radio. Fort. Une émission passionnante sur le diabète. Avec des détails bien gore, parce que le sucre dans le sang, c'est moins réjouissant que dans la pomme d'amour. Mrs Poil apostrophe son velu dans une langue à moi inconnue avec des morceaux de français dedans. En gros "Tu vois ta grognasse, elle te fait de la bouffe trop grasse, tu vas crever tellement t'es sucré à l'intérieur, c'est bien fait pour ta gueule, t'as qu'à la larguer, moi je te ferai des salades sans vinaigrette ça t'évitera de bouffer les pissenlits par la racine avant tes 50 balais". Bonjour l'ambiance.

Du coup, je m'abstrais, je sors à grand peine mon bouquin de mon sac, et je me régale. "Le livre des Baltimore" de Joël Dicker, c'est très bien. Moins peut-être que le précédent "La Vérité sur l'Affaire Harry Québert", mais ça chasse le diabète très efficacement.

Monsieur Poil nous a jetés au métro Maison-Alfort-les-Juillotes où attendaient deux nouvelles victimes à grosses valises. Et hop à Strasbourg, sans doute au son de Radio Chtouille avec une spéciale oedème, goître ou prurit...

Bon voyage, les gars !

Comments

[RdT]

''ai hâte de connaître l'évaluation laissée :)

[Nelfe]

Ça envoie du rêve...

[barbie tunique]

LOL j'adore la réaction mais je crois que ton post n'est pas cohérent (as-tu au moins pris la peine de vérifier les chiffres ?), personne n'a jamais montré beaucoup d'affection pour le système (à moins que Twitter se casse la gueule) , et des bruits de couloir au Parlement sous-entendent que les abrutis sont simplement des êtres humains ! Il faut davantage de moyens sur le terrain, on n'a jamais vu en France autant d'inamitié pour les propriétaires de 4x4 qui peuvent jeter l'opprobe sur les community managers !

[Kaouenn]

Oh la la pas glop tout ça... je croise les doigts, pour l'instant en tant que passagère ou en tant que conductrice je n'ai pas eu de problème ! Mais le coup de demander les codes dès le départ c'est gonflé et pas vraiment dans les usages du covoiturage. Bonne continuation et merci pour ce billet d'humeur.

[lescouleursde s]

salut, je découvre votre blog par Zazard (merci le portail Canal), mais je me suis régalée à cette lecture ... Bon, c'est comme l'armée, on en rit ... après !!! Ca fait des souvenirs ! c'est sur photos qu'il faudrait choisir ses Balblacariens .... bon (prochain) voyage !